Ce blog est une histoire, mon histoire. Il est aussi ma manière d'apprivoiser ce qui m'arrive actuellement.

Si vous arrivez en cours de route, je vous conseille de commencer par le tout début, comme dans toute histoire...
Personnellement, je n'en connais pas encore la fin!

Si vous êtes déjà venu, vous pouvez faire votre choix dans "Le récit pas à pas".

dimanche 7 avril 2019

L'inhumanité

J'ai rarement fait les choses dans l'ordre...
Trouver un métier, une maison et puis faire des enfants, c'est trop banal pour moi.
Non, moi, je commence les enfants en terminant mes études...
Pour le métier et la maison on verra après.

Sauf que...

La société nous sanctionne rapidement et facilement quand on est pas dans le "moule".

J'ai trois enfants. J'ai trois merveilleux enfants.
Le premier, Armaël, est un cadeau de la vie.
La deuxième, Mara, est une poétesse à temps plein.
Le troisième, Tom, est une crème (au chocolat)...

Je l'ai toujours dit. Depuis qu'ils sont petits. Maintenant qu'ils commencent à être plus grands que moi, ça se vérifie toujours...



J'ai "gardé", j'ai pouponné mes enfants jusqu'à ce qu'ils aillent tous les trois à l'école. J'ai eu la chance de les voir grandir, faire leurs premiers pas, leur apprendre à faire du pain, le jardin, s'occuper des animaux,...
Pour ça, j'ai demandé une "dispense" au chômage (qui était basé sur mes études, donc). Pour 200€ par mois, on me laisse tranquille.

Et puis j'ai cherché du boulot.
J'ai trouvé un contrat de remplacement. Onze mois. Il faut savoir que chez nous, il  en faut douze pour ouvrir l'accès au "chômage" sur base du travail...

Et j'ai cherché.
J'ai cherché dans mon domaine, dans d'autres domaines...

Nous nous sommes séparés.

J'ai fait des formations...
J'ai trouvé des contrats à la journée.
J'ai essayé de concilier les enfants avec un "job" sous pression... Tellement sous pression que j'en ai eu une dépression.

Et puis, en mai 2014, mon premier cancer...
Quelque part, dans mon malheur, j'ai beaucoup de chance... Parce que le 1er janvier 2015, tous les chômeurs basés sur les études depuis plus de trois ans sont exclus de revenus.
J'ai de la chance parce que moi, je bascule sur la mutuelle...

Et puis, dans ma rencontre avec Albert, nous mettons tout en place pour l'après... Notamment avec Outils Tradition.

En octobre 2017, la mutuelle me lâche... Je suis apte à avoir un revenu toute seule...
En mai 2018, je me rends compte que je ne suis pas encore tout à fait au point. Je décide de me perfectionner dans la soudure via une formation du Forem.

Le "hic"... Pour pouvoir bénéficier de cette formation, je dois arrêter mon activité (c'est à dire être "disponible" sur le marché du travail). Mais j'accepte. Nous pouvons nous permettre d'avoir une baisse de revenu pour deux ou trois mois... Nous ferons attention...

Je commence la formation. Trois semaines après, on découvre la première récidive de cancer...
Ablation du sein et reconstruction au mois d'août me perturbent allègrement...
Et là, les choses se corsent...

Fin août, je vais à la mutuelle avec un dossier que je ne sais pas comment remplir. J'apprends que ça ne sert à rien de le remplir, je ne suis pas indemnisable puisque j'étais en formation sans revenu la veille de mon incapacité.

Nous nous tournons, à contrecoeur, vers le CPAS. Là aussi, la réponse est défavorable. La pension d'Albert (1.200€) correspond au revenu minimum à 25€ près pour toute une famille...

Glups.

Mon moral en prend un fichu coup...
Je me sens inutile. Je me sens de trop. Je me sens une charge. Je pleure...
Il est des jours, des nuits où je me demande ce que je fais encore là. Il est des jours, des nuits où j'appelle Mère-Grand, qu'elle vienne me chercher... Il est des jours, des nuits et j’échafaude des plans pour m'en aller...

Albert essaie de me remonter le moral... Je passe sous antidépresseurs... Je retourne voir la psy...

En octobre, nous ne tenons plus. Formation comprise, voilà déjà cinq mois que nous sommes sans revenus, hormis la toute petite pension d'Albert...

Je décide que je trouverai un boulot... Je commence à chercher... J'envoie quelques courriers.
Je passe un test...

Et rien ne se passe...

Je suis désespérée. Fatiguée. Fatiguée de tout.
J'ai l'impression de ne pas avoir eu droit à ma convalescence.
J'ai l'impression qu'il faut que nous nous battions tout le temps alors que j'aurais aimé être sereine... que j'aurais voulu "me laisser" vivre un peu...

Et récupérer de l'opération du mois d'août...



Cher Elio, Cher Charles,

Je voulais vous remercier pour vos mesures contre les chômeurs.
Je sais, aujourd'hui, que je ne vaux rien.
Je suis un furoncle pour la société.

J'ai eu trois enfants, des petits boulots qui ne m'ont pas permis d'ouvrir le droit au chômage...
Et puis, chance ou pas, je ne sais pas trop, un cancer...
Celui là m'a permis d'avoir un revenu en 2015 alors que 50 000 personnes perdaient le leur...
Il m'a aussi permis de créer mon emploi: le travail du métal. Petitement, artisanalement. Et puis, j'ai ressenti le besoin de m'améliorer dans la soudure. Le Forem fait des formations dans le domaine mais pour y participer il faut être demandeur d'emploi.

Allez, pour 2-3 mois, on peut se le permettre. Je m'inscris.
Et je commence.
Pendant la formation, on découvre une récidive.
Traitements obligent, j'arrête la formation.

MAIS comme j'étais demandeuse d'emploi libre (sans indemnités), je n'ai pas droit non plus à l'indemnité de la mutuelle.
MAIS comme mon mari est pensionné (au plus bas comme chef de ménage) je n'ai pas droit à un revenu du CPAS.

Nous voilà donc aujourd'hui, à 5, mon mari, mes 3 enfants, moi-même avec 1281€ par mois.
Et je ne sais pas subvenir aux besoins de la famille parce que je suis dans l'incapacité de reprendre mon activité.

On peut dire que certains, peut être, manquent de motivation.
Dans ce cas-ci?

(Je ne l'ai pas envoyée)

Je suis obligée de reprendre pied, je suis obligée d'avancer...
Je suis obligée de recommencer notre activité.
Et pourtant, la fatigue est encore là...

Le plus dur, c'est de se persuader que je suis guérie...
Et de voir que je n'ai pas pu avoir l'assurance revenu garanti.



(À suivre...)